Dans la continuité des précédentes réglementations thermiques des bâtiments neufs, une nouvelle réglementation entre en vigueur en 2021 : la RE2020 (Réglementation Environnementale 2020). Tournant majeur dans la construction neuve, les émissions carbones seront désormais comptées et limitées, au même titre que les consommations d’énergie. Ces limitations entrainent des changements de conceptions beaucoup plus marqués que pour les réglementations antérieures, comme la suppression quasi-totale de l’énergie gaz et l’utilisation de plus en plus fréquente du bois et autre matériaux biosourcés.

Les 24 novembre et 18 février dernier, la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, accompagnée d’Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la Transition écologique, et chargée du logement ont annoncés les trois grands objectifs de la RE2020 :

  • baisser les consommations d’énergie des bâtiments neufs ;
  • réduire les émissions globales de gaz à effet de serre sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment : fabrication, transport et mise en œuvre des matériaux et équipements ; usage, entretien et maintenance du bâtiment pendant 50 ans, ainsi que la gestion de la fin de vie de l’ouvrage ;
  • adapter les bâtiments au réchauffement climatique en s’assurant d’un confort d’été suffisant même en périodes de fortes chaleurs.

Les décrets et arrêtés d’application de cette nouvelle réglementation sont en cours de finalisation par l’État et devraient être publiés d’ici à la fin du premier trimestre 2021, pour une mise en application au 1er Janvier 2022, avec des dates jalons fixées à 2024, 2027, 2030, qui viendront renforcer par étapes les exigences à respecter.

Faisons le point sur ce que l’on sait déjà de la RE 2020 !

A noter que les exigences à respecter et les méthodes de calcul sont susceptibles d’évoluer au gré des concertations et négociations exercées par l’ensemble des acteurs concernés par cette nouvelle donne. Nous maintiendrons cet article à jour à chaque nouvelle information.

De la RT 2012 à la RE 2020 : Vers un plus grand nombre d’indicateurs de performance et des exigences renforcées

Le passage de la RT 2012 à la RE 2020 se traduit par de nouveaux indicateurs de performance dont 6 avec exigence de résultat (contre 3 en RT 2012) :

  1. Le Bbio (besoins bioclimatiques, exprimé en points) est un indicateur repris de la RT 2012. Il permet de mesurer la capacité d’un bâti à limiter simultanément les besoins en énergie pour le chauffage, le refroidissement, et l’éclairage artificiel, et ce, indépendamment des systèmes énergétiques et équipements choisis. Le Bbio doit être le plus petit possible, et obligatoirement inférieur à une valeur maximal (Bbiomax) qui varie d’un bâtiment à l’autre en fonction de quelques caractéristiques dont la localisation géographique, la surface etc. La RE2020 devrait renforcer significativement l’exigence en abaissant le Bbiomax de 30% par rapport à la RT 2012 que ce soit pour le résidentiel individuel ou collectif.
  2. Le Cep (consommations en énergie primaire, exprimé en kWh/(m².an) est aussi issu de la RT 2012. Pour rappel, il détermine la consommation conventionnelle des bâtiments pour les usages en éclairage artificiel, mobilité interne des occupants, chauffage, ventilation, refroidissement, production d’eau chaude sanitaire et leurs auxiliaires. Le Cep doit obligatoirement être inférieur à une valeur maximale (le Cepmax) qui varie lui aussi en fonction de plusieurs caractéristiques liées au projet.
  3. Le CEPnr est la part non renouvelable des consommations en énergie primaire. Le CEPnr doit être inférieur au un CEPnrmax. Aux dernières nouvelles, le CEPmax moyen et le Cepnr Max Moyen devraient prendre les valeurs suivantes :
  4. Les émissions de gaz à effet de serre du bâtiment sont calculées durant l’ensemble de son cycle de vie et se traduisent par deux indices :
    1. L’indice Ic Composants (Indice carbone composants, exprimé en kg équivalent CO2 /m²) qui comptabilise les émissions liées à la production des composants du bâtiment, leur transport, leur installation, leur utilisation à l’exclusion des besoins en énergie et en eau de la phase d’exploitation du bâtiment (fixée de manière conventionnelle à 50 ans), leur maintenance, leur réparation, leurs remplacements et leur fin de vie. Il remplace l’indice EgesPCE du label E+C-. Aux dernières nouvelles, Ic Composants Max Moyen devrait prendre les valeurs suivantes :
    2. L’indice Ic Energie (Indice carbone Énergie, exprimé en kg équivalent CO2/m²) qui totalise les émissions associées aux consommations d’énergie primaire du bâtiment durant ses 50 ans de durée vie. Il remplace l’indice Eges Exploitation du label E+C-. Ic Energie ne devra pas dépasser Ic Energie Max, un seuil d’émission maximum modulé en fonction de plusieurs paramètres comme les autres seuils. Aux dernières nouvelles, Ic Energie Max Moyen devrait prendre les valeurs suivantes :
  5. L’indicateur DH (Degrés-heures, exprimé en exprimé en °C.h) qui mesure l’inconfort d’été du bâtiment. La RE2020 considère le bâtiment inconfortable lorsque sa température intérieure dépasse le seuil de 28°C le jour et 26°C la nuit. En simulant une année complète, le bureau d’études thermiques comptabilise le nombre d’heures pendant lesquelles ce seuil est dépassé multiplié par le nombre de degrés d’écart au seuil. Cette somme totale doit être inférieure à un DHmax. Aux dernières nouvelles, DHmax devrait être fixé à 1250 DH modulable en fonction de certains critères dont probablement la zone climatique. L’indicateur DH remplace l’indicateur Tic de la RT 2012.

Il existe plusieurs autres indicateurs à calculer (indicateurs dits « pédagogiques ») mais sur lesquels ne figurent pas d’exigences particulières : Ic Bâtiment, StockC etc. L’ensemble des indicateurs sont calculés selon une nouvelle méthode de calcul : la Th-BCE 2020 qui remplace la Th-BCE 2012.

A ces exigences de résultats sont associées la plus part des exigences de moyen déjà connues en RT2012 : règle des 1/6 de surface vitrées par rapport à la surface habitable, perméabilité à l’air, traitements des ponts thermiques etc.

Il faut aussi noter que le calcul de la surface prise en compte change : la nouvelle surface de référence en logement sera la surface habitable (SHAB) et la surface utile pour le reste des usages autres que d’habitation. De fait, cette modification vient renforcer encore davantage les exigences rapportées à la surface des bâtiments.

Le calcul des émissions de gaz à effet de serre (Ic Composants et Ic Energie) se fera selon « une analyse en cycle de vie dynamique » contrairement à ce qui était demandé jusqu’à présent dans le label E+C-. Concrètement, cette analyse vient prendre en compte le fait qu’une émission en 2020 est plus négative qu’une émission en 2070. En effet, rappelons que si nous voulons rester « bien en dessous de 2° de réchauffement » (Accord de Paris), nous ne devons pas uniquement arrêter la croissance de nos émissions, mais les réduire de 50% d’ici à 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050. Par ailleurs, l’incertitude du volume d’émissions de 2070 est beaucoup plus forte que celle de 2020 dans la mesure où ce volume repose sur des scenarios prospectifs (modes de vie, durée de vie des matériaux, technologies de réemploi ou recyclage, mode de production de l’énergie, etc.) forcément très incertains contrairement aux émissions d’aujourd’hui qui elles sont très certaines.  Ce changement de méthode va donc encourager encore davantage les matériaux qui émettent moins (voire stockent du carbone) dans la phase de construction : les matériaux biosourcés.

Le calcul de l’impact carbone des matériaux de construction est effectué grâce aux Fiches de Déclarations Environnementales et Sanitaires (FDES individuelles ou collectives fournies par les fabricants) ou à défaut, par des valeurs par défaut fournies par l’État, forcément plus pénalisantes. Pour le calcul de l’impact des équipements, il faut se reporter aux Profils Environnementaux des Produits (PEP). L’ensemble de ces données sont disponibles sur la base INIES.

En l’état actuel des informations fournies, les différents seuils d’émission de CO2 impliquent que la mise en place de système au gaz sera impossible en maisons individuelles dès l’entrée en vigueur de la réglementation. En ce qui concerne les logements collectifs, le gaz pourrait toujours être mis en place jusqu’en 2024, sous certaines conditions complémentaires. A ce jour, l’État assume une volonté d’exclure « de fait le chauffage exclusivement au gaz », l’ouverture très forte aux matériaux valorisant « le stockage temporaire du carbone » et « à l’horizon 2030, l’usage du bois et des matériaux biosourcés quasi-systématiques ».

Tout comme la mise en œuvre de la RT 2012 a engendré un surcoût par rapport à la RT2005, la RE2020 engendrera un surcoût de construction qui est encore difficile à quantifier mais qui devrait rester inférieur à 10% de nos premiers retours d’expériences. C’est le rôle du bureau d’études thermiques, fluides et environnement tel que Sénova de conseiller le maître d’ouvrage et l’équipe de maîtrise d’œuvre pour trouver la meilleure solution pour chaque projet.

A la veille de sa mise en application, nous vous recommandons plus que jamais de chercher à anticiper la RE 2020 sur tous vos projets. De cette façon, vos projets ne seront pas « déjà dépassés à peine sortis de terre », et, si vous êtes un professionnel, vous pourrez vous préparer au mieux en faisant évoluer vos réflexes de conception et de coûts associés. A noter que Sénova est également organisme de formation accrédité et propose des formations à la RE 2020 pour tous les acteurs de la construction qui souhaitent se préparer au mieux à cette nouvelle donne.