Cet article à été rédigé par Pierre-Manuel Patry, directeur technique du bureau d’études thermique Sénova, auteur de l’ouvrage RT2012 et RT Existant (Eyrolles, 2ième édition).

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Pour obtenir les attestations RT2012 à joindre au dépôt de PC et à la déclaration d’achèvement des travaux, il faut obligatoirement réaliser une étude thermique.

Cette nouveauté réglementaire a fait fleurir (en particulier sur internet) de nouveaux acteurs sur le marché de l’étude thermique : les prestataires low cost. Ainsi, pour une étude thermique qui peut sembler similaire sur le papier, on trouve des prix allant de 150 € à plus de 1500 €.

Mais qu’y a-t-il derrière les études thermiques à bas coût ? Le résultat est-il identique chez tous les prestataires ? Quelles conséquences et quel risques y a-t-il à choisir le moins cher ?

Comme vous, j’ai cherché à comprendre et pour vous, j’ai enquêté en me faisant passer pour un maître d’ouvrage lambda.

Notre scénario d’étude

Pour mon enquête, je me suis mis dans la peau d’un client réel de Sénova. Il s’agit d’un projet de construction d’une maison individuelle de 60 m² comportant deux logements à Vauhallan (91).

J’ai testé 5 bureaux d’études thermiques à bas coût (prix d’étude compris entre 150 et 400€) en jouant le rôle de notre client à l’identique de la réalité.

Une méthodologie standard

La méthodologie utilisée par les différents prestataires testés était sensiblement similaire :

  1. La demande de devis se fait en ligne. Un prestataire m’a rappelé, les autres m’ont uniquement envoyé un mail.
  2. Le paiement se fait intégralement à la commande (tous les modes de paiements sont généralement acceptés) et doit être accompagné des données du projet (plans, isolants, menuiseries, systèmes,…). Certains ont un outil en ligne pour simplifier la saisie des informations, d’autres envoient un fichier Excel ou un simple pdf. Le remplissage partiel est possible mais il est indispensable d’avoir réalisé un certain nombre de choix sur le projet dès la commande. Le prestataire ne fait  aucun conseil à ce stade.
  3. Débute alors une phase d’attente plus ou moins longue selon le prestataire (48h dans le meilleur des cas et jusqu’à 3 semaines). Excepté pour un prestataire qui a accusé réception de mon paiement, je ne savais pas si l’argent avait bien été reçu. Je ne savais pas non plus qui était mon interlocuteur, combien de temps j’allais attendre ni même ce que j’attendais exactement…
  4. Le thermicien appelle lorsqu’il a terminé la modélisation du projet sur la base des informations envoyées (c’est le premier et seul contact avec l’expert). En cas de remplissage partiel des informations, il a fait des hypothèses ou des propositions. En cas de non conformité du projet, il a fait des modifications permettant de rendre le projet conforme à la RT2012. Les prestataires appellent ces changements « conseils ». Je n’ai pourtant pas été consulté sur les modifications apportées au projet pour entrer dans la conformité. Le seul objectif du thermicien est de rentrer en conformité avec la RT2012. Aucun prestataire n’a pris en compte mes contraintes de budget. Par ailleurs je n’ai même pas été informé de certaines modifications. Il m’a fallu chercher dans le détail des résultats du calcul pour les découvrir.
  5. Le prestataire envoie un rapport d’étude succinct et les attestations réglementaires du projet.
  6. En cas de petites modifications par rapport à la proposition finale du prestataire, je peux revenir vers lui pour une mise à jour de l’étude mais rien ne m’assure alors d’être conforme à la RT2012.

Un contact médiocre avec mon thermicien

Le manque d’échange avec l’expert en charge de mon projet est flagrant. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est la médiocre qualité du peu de contacts obtenus.

Par défaut, l’entretien est une simple formalité pour expliquer que l’étude est terminée et lister les principales modifications réalisées (voir étape 4 de la partie précédente). Dans deux cas, certaines modifications apportées au projet ont même été oubliées lors de l’entretien.

J’ai cherché à tester les connaissances techniques de mes interlocuteurs et là encore j’ai eu quelques perles :

  • «  Le pare-vapeur se met au sous-sol pour éviter les remontées capillaires. »
  • «  Le polystyrène n’est pas un isolant adapté pour les murs. »
  • «  Pour le confort d’été dans vos combles, il n’y a rien de mieux que la laine de verre. »

Les moyens donnés à la formation des thermiciens dans les bureaux d’études thermiques semblent bien insuffisants. Une fois seulement, je suis tombé sur un bon professionnel qui connaissait vraiment son sujet.

Un conseil inadapté amenant un surcoût de 2 000 à 5 000 € sur la construction

Par soucis de rapidité, les thermiciens oublient qu’une construction, c’est le projet d’une vie. Les modifications apportées au projet ne sont faites qu’en fonction des exigences réglementaires, sans tenir compte de ma sensibilité propre ni de mon budget.

Certains de mes choix initiaux ayant été modifiés, j’ai cherché à comprendre pourquoi et à savoir quelles étaient mes autres possibilités.

L’unique réponse obtenue est « Ca permet d’être conforme à la RT2012 ». Il existe pourtant 1000 manières de rendre un projet conforme. J’ai donc comparé la configuration proposée par chaque prestataire avec celle que mon thermicien chez Sénova avait lui-même prescrite à notre client pour ce projet. Le surcoût de construction des configurations proposées varie entre 2 000 € et 5 000 € : une somme non négligeable qui casse en soit tout l’intérêt de la prestation low-cost. De plus, le confort d’été n’est souvent pas pris en compte et sera dans bien des cas calamiteux.

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100% d’études thermiques fausses – Dans deux cas, le bâtiment est déclaré conforme alors qu’il ne l’est pas

Les études que j’ai commandées se sont toutes révélées fausses et ce point est sans doute le plus problématique. En effet, j’ai épluché dans le détail les résultats reçus et j’ai relevé de nombreuses erreurs : Oubli de nombreux ponts thermiques, surface de fenêtres inférieure à celle du projet, ventilation simple flux au lieu de double flux…

La principale source d’erreur vient du recours à des logiciels de métrés simplifiés. Certains éditeurs de logiciels RT2012 proposent en effet cette fonctionnalité. Celle-ci est intéressante en phase esquisse pour évaluer l’impact de différentes variantes mais ne doit en aucun cas être utilisée pour les études définitives car de nombreuses surfaces peuvent être oubliées et c’est alors une source d’erreur importante.

J’ai refait moi-même le calcul avec les hypothèses des différents prestataires (épaisseur d’isolant, performances des menuiseries et des systèmes) mais les surfaces réelles du projet et je me suis aperçu dans deux cas que le projet en l’état n’était pas conforme contrairement à ce qu’annonçait le thermicien.

Des éléments prévus arbitrairement dans l’étude mais non signalés explicitement impliquant un risque de non retranscription dans l’exécution

Le moteur de calcul utilisé par les logiciels agrées RT2012 demande un très grand nombre de données d’entrées. Certains points qui semblent des détails sont en fait essentiels dans les modélisations : la performance des robinets thermostatiques, le type de régulation, la présence de volets, etc.

Il est normal que le prestataire fasse des hypothèses sur certains points mais dans ce cas il est alors indispensable de présenter ces hypothèses afin que le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre ou les entreprises en tiennent compte dans les études et la réalisation.

Dans tous les cas, j’ai relevé des éléments manquants dans les rapports d’étude. Le seul moyen pour les professionnels de connaître les éléments pris en compte dans l’étude et de ne pas se mettre en défaut est d’éplucher le récapitulatif standardisé (24 pages assez illisibles).

En tant que maître d’ouvrage, le risque majeur ici est que je n’ai pas conscience de tous ces choix fait unilatéralement par mon thermicien. A l’achèvement des travaux, le contrôleur certifié découvrira qu’il n’y a pas de volets ou que mes robinets thermostatiques ne sont pas adaptés. Je devrai alors mettre à jour l’étude thermique en prenant en compte l’absence de volets et des robinets thermostatiques standards : le calcul sera non conforme et je devrai installer des volets et changer tous mes robinets. Autant de surcoûts non prévus faisant suite à une étude thermique à bas coût.

Des assurances professionnelles pas toujours conformes à la mission réalisée

« Il faut absolument avoir l’attestation d’assurance pour vérifier que le BET est assuré pour la mission qui lui est confiée : si le BET prescrit des marques, références ou autre dimensionnement, il doit être assuré en garantie décennale pour de la maîtrise d’œuvre BET thermique. Chaque assureur a ses définitions, il faut être attentif à l’attestation d’assurance. »Michel Klein, directeur des sinistres à la Mutuelle des Architectes Français.

J’ai systématiquement demandé les attestations d’assurance des différents prestataires. L’un d’eux a refusé de me la transmettre. Sur l’attestation d’un autre prestataire, on lit dans le paragraphe « Activités Garanties » :

« Bureau d’Etude Technique, à l’exclusion de toutes activités de maitrise d’œuvre, spécialisé dans les études thermiques,… ».

Ce prestataire m’a pourtant fourni marques et modèles pour les isolants et les menuiseries à mettre en œuvre mais plus embêtant il m’a également indiqué le modèle de pompe à chaleur à installer.

Après analyse, il s’avère que ce système est largement surdimensionné pour mon projet. La conséquence si je l’avais installé en tant que maître d’ouvrage aurait été des surconsommations importantes, un vieillissement accéléré de la machine et un surcoût à l’investissement.

En cas de casse après quelques années, le coût de remplacement (que j’évalue entre 8 et 10 000€) n’aurait pas été couvert par l’assurance du responsable.

Bilan des pertes et profits liés aux études thermiques à bas coût

En optant pour une étude thermique à bas coût, j’ai donc économisé entre 100 et 500 € pour une maison individuelle sur le coût de l’étude.

En revanche, cela m’a coûté en plus dans le meilleur des cas :

  • Entre 2 000 € et 5 000 € de surcoût de construction dès les premiers devis ;
  • Des surcoûts de construction à l’achèvement des travaux de mise en conformité (ajouts de volets, remplacement de mes robinets et mise à jour de l’étude thermique) ;
  • Des surcoûts après quelques années d’usage pour remplacer une pompe à chaleur surdimensionnée ;
  • Une maison inconfortable en été, surtout dans les combles ;
  • Une maison qui surconsomme en énergie pour toute la durée d’utilisation.

Et dans le pire des cas où mon étude était mal faite et qu’une étude fiable montre que le projet, pour être conforme, doit en fait subir de grosses modifications pendant les travaux ou à l’achèvement, le surcoût peut être si important que le projet peut être mis en péril.

La responsabilité du BET sera alors recherchée mais celui-ci, n’étant pas forcément bien assuré, sera-t-il capable d’assumer ? Avec son architecte, le maître d’ouvrage serait bien seul pour assumer ces difficultés…

Le bilan tiré de cette enquête sur les études à bas coût n’est pas brillant. Pour tirer les prix au plus bas, les prestataires limitent au maximum les échanges humains, réalisent des études thermiques simplifiées et des rapports d’étude incomplets. Cela donne des résultats désastreux et totalement en dehors de l’esprit de la RT 2012.

Cette étude a été réalisée sur un unique projet que j’ai volontairement choisi complexe. Elle permet donc de tirer certaines conclusions mais ne signifie pas que tous les projets posent problème. Elle souligne cependant le risque important à passer par des prestataires low cost.

Même si l’investissement initial semble économique, l’analyse montre que l’on peut être très perdant tout compte fait !