L’article 4 de la loi Grenelle 1 est passé inaperçu auprès du grand public malgré les changements qu’il imposera dans notre manière d’habiter et de concevoir l’énergie. Décryptage prospectif de la future Réglementation Thermique 2020 qui signera la généralisation du « Bâtiment à énergie positive », le fameux « BEPOS ».

BEPOS

Pourquoi un nouveau type de bâtiment ?

La RT2012 vient à peine d’entrer en vigueur que l’on s’interroge déjà sur la réglementation thermique à l’horizon 2020 et 2050. Pourquoi ces dates-clés ?

  • Le Grenelle de l’Environnement a confirmé l’objectif de la France d’atteindre le Facteur 4, c’est-à-dire de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.
  • Le Paquet Climat-Energie voté en 2007 par le Conseil de l’union Européenne impose aux pays membres d’atteindre les objectifs du 3×20 d’ici 2020, c’est-à-dire, augmenter l’efficacité énergétique de 20%, réduire l’émission de gaz à effet de serre de 20%, amener la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen à 20%.
  • L’article 4 de la loi Grenelle 1 dispose que « toutes les constructions neuves faisant l’objet d’une demande de permis de construire déposée à compter de la fin 2020 présentent, sauf exception, une consommation d’énergie primaire inférieure à la quantité d’énergie renouvelable produite dans ces constructions, et notamment le bois énergie ».

Responsable en France de 43% de la dépense énergétique et 25% des émissions de gaz à effet de serre, le secteur du bâtiment est le gisement d’économie d’énergie le plus important à moyen-terme. C’est pourquoi, en réponse aux enjeux climatiques et à l’imposition des normes internationales et européennes, les gouvernements successifs ont travaillé sur la création de nouvelles réglementations thermiques limitant la consommation d’énergie primaire des ménages.

Conscient de l’effort demandé aux particuliers et professionnels du bâtiment, le Grenelle de l’Environnement a commencé par généraliser la construction « BBC » avec l’entrée en vigueur de la RT2012 le 1er janvier 2013. Mais l’objectif reste 2020 avec comme futures échéance :

  • 2014 pour les premières expérimentations
  • 2018 pour la création de labels réglementaires véritablement calqués sur la future RT2020
  • 1er janvier 2021 pour l’entrée en vigueur de la RT2020

Le président de la République aspire aujourd’hui à faire de la France « la nation de l’excellence environnementale » en proposant un nouveau modèle basé sur l’efficacité et la sobriété énergétique qui fait l’objet d’un grand débat national sur la transition énergétique (DNTE)

[D1] . Comment ces deux aspects du développement durable vont s’appliquer dans le bâtiment ? Il semblerait que la réponse ait été trouvée dans le « bâtiment à énergie positive » (BEPOS), qui s’inspire des expérimentations de la maison passive allemande (sobriété) et du réseau intelligent dit « smart grid » chez nos voisins anglo-saxons (efficacité).

Qu’est-ce que le « BEPOS » ?

Le « bâtiment à énergie positive » repose sur le concept de maison passive développé en Allemagne dans les années 70 et la production locale d’énergie renouvelable. Quelles sont les conditions principales ?

L’idée primordiale est de limiter les besoins en énergie du bâtiment grâce à une enveloppe performante et étanche, une bonne conception bioclimatique et une bonne ventilation.

La deuxième idée force est d’intégrer la production d’énergie renouvelable dans l’habitat grâce à l’installation de panneaux solaires photovoltaïque, d’un puits canadien, d’un poêle à bois ou d’un ballon thermodynamique par exemple pour produire plus d’énergie que le bâtiment en consomme. L’énergie en surplus est ensuite autoconsommée ou alimente un réseau local ou national d’énergie.

L’organisme de labellisation Effinergie, connu notamment pour avoir inspiré la RT2012 et ses futurs labels a déjà anticipé la généralisation du « BEPOS » et propose son propre label qui sans aucun doute regroupe bon nombre de futures exigences réglementaires. Quels en sont les critères ?

  • Le BEPOS doit respecter les exigences du label « Effinergie+ », qui correspondra très prochainement au label réglementaire de la RT 2012 « Haute Performance Environnementale » (HPE) et qui dispose que la consommation d’énergie primaire du bâti ne doit pas excéder 40 kWh/m²/an, soit 10% en moins que les exigences de la RT2012.
  • Le bilan d’énergie primaire non renouvelable doit tendre vers zéro ou être positif (production – consommation > 0)
  • Le ménage doit obligatoirement procéder à une évaluation de l’énergie grise (produite au cours de tout le cycle de vie desu matériaux : conception, fabrication, exploitation, maintenance, destruction/recyclage) et de l’eco-mobilité (l’énergie issue des déplacements quotidiens qui dépend principalement de l’accès aux transports en commun)
  • Le bâti doit faire l’objet d’une analyse des consommations réelles après construction qui permet de s’assurer que la performance énergétique initialement visée corresponde bien.
  • Les exigences sont modulées en fonction du nombre d’étages de la maison, de la densité urbaine et de la zone géographique du bâtiment pour ne pas pénaliser ou favoriser certains propriétaires.

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« Smart grid », énergie grise et suivi de la consommation réelle sont au rendez-vous

Le « BEPOS » signe l’avènement d’une nouvelle façon d’appréhender l’énergie. L’idée, c’est de rendre l’habitant acteur de sa consommation en lui offrant la possibilité de produire sa propre énergie renouvelable.

Il augure par ailleurs une mutation dans la fourniture et le transport de l’électricité domestique en promouvant une gestion plus intelligente du réseau à une échelle décentralisée. Les sources locales d’énergie seront inter-connectées entre elles et les surplus transférés vers les besoins. Cela permettra ensuite grâce à la généralisation du compteur communicant Linky de nouveaux dispositifs d’effacement électrique : quand il y a un risque de pic de consommation (qui oblige en France d’enclencher les centrales à gaz d’appoint très énergivores), le gestionnaire du réseau pourra limiter l’alimentation électrique de certains ménages volontaires pendant quelques heures. Ce qui peut alléger la facture électrique d’environ 10% selon les estimations de l’ADEME.

En outre, et pas des moindres, la prise en compte de l’énergie primaire non renouvelable et surtout de l’énergie grise et de l’éco-mobilité révolutionne l’approche économique sur laquelle la réglementation se base aujourd’hui. En effet, la RT2012 fixe un taux maximum d’énergie primaire (kWh) consommée par m² et par an le (Cepmax). Si la RT2020 intègre l’énergie grise, la réglementation intégrerait l’énergie produite au cours de tout le cycle de vie des matériaux. Cela risque de favoriser l’usage d’isolants biosourcés comme la fibre de bois très peu énergivores en phase de fabrication au détriment du polystyrène ou du polyuréthane gourmands en hydrocarbures. D’autant plus si la réglementation s’accompagne d’une fiscalité comme s’y ai engagé le Président de la République.

Enfin, l’obligation d’un dispositif de suivi des consommations réelles veut tirer les leçons de l’une des critiques souvent formulées à l’égard des méthodes de calcul de la RT2012 qui se base sur les consommations conventionnelles, donc estimées et non réelles. Or, on constate souvent l’existence d’effets rebonds variables selon les pratiques de consommation et la qualité de la construction. Le commissionnement devrait donc accompagner les outils déjà mis en place pour pallier à cet effet pervers comme la garantie de performance énergétique et la sensibilisation des citoyens à l’énergie.

Les recommandations de la « Réflexion Bâtiment Responsable 2020 »

plan bâtiment durableLe Plan Bâtiment Durable, plate-forme fédératrice des acteurs du bâtiment vert en France et instance consultative du Ministère, compte également faire entendre sa voix. Le groupe de travail, co-dirigé par Berbard Boyer et Christian Cléret, dédié à la réflexion sur le « Bâtiment responsable 2020-2050 » émet bon nombre de propositions dans son rapport à mi-parcours publié en Juin 2013. Jérôme Gatier, directeur technique du Plan Bâtiment Durable affirme néanmoins ne pas vouloir se substituer au travail d’écriture des normes du Parlement et le l’administration : « C’est une réflexion prospective qui tend à inspirer le législateur » assure-t-il. Le ton littéraire consciemment choisi par les rapporteurs vient rappeler cette volonté de ne pas écrire de normes réglementaires ou techniques précises mais peut-être ce ton augure-t-il aussi une vision plus sociale de la thermique du bâtiment. Et d’ailleurs le groupe de travail  ne s’en cache pas en déclarant vouloir mettre « l’Homme au centre de la réflexion ».

Le rapport préconise le développement de l’économie collaborative et de l’habitat groupé qui permet une meilleure optimisation des ressources dans l’habitat en mutualisant la buanderie ou en développant le covoiturage. Le « bien-être » des habitants devrait aussi être mieux pris en compte : « La qualité de l’air intérieur devra être mieux traitée, l’isolation phonique du logement ou du local professionnel également », affirme Philippe Pelletier, Président du Plan Bâtiment Durable. Dans la même veine, la RT2020 devrait s’inspirer du modèle de la société à 2000W imaginé par l’Ecole Polytechnique de Zurich qui recommande de prendre en compte l’énergie consommée non plus par bâti mais par individu.

Enfin, le rapport recommande d’harmoniser la réglementation thermique 2020 avec les réglementations sur le tertiaire (labels HQE…) et les dispositifs locaux élaborés et mis en places par les collectivités territoriales à l’échelle du quartier et du territoire comme les Plans d’Urbanisme Locaux (PLU), les Schémas de Cohérence Territoriale (SCOT). Argument solide à l’heure où le gouvernement veut amplifier son « choc de simplification » des normes. On retrouve ici l’idée de société inter-connectée en insérant le bâtiment dans la dynamique des éco-quartiers (labellisables depuis décembre 2012) et des territoires à énergies positives (TEPOS).

A regarder également de près le label « Bâtiment biosourcé » que la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP) a rendu réglementaire par l’arrêt du 19 décembre 2012. Pas encore recensé par les organismes certificateurs, l’Etat prend les devants comme le suggère la récente création de l’association « Constructions & Bioressources »financée par l’Etat et la Région Bourgogne.

Un « BEPOS » à la française ?

Economie circulaire, économie collaborative, société à 2000W, décentralisation du réseau, il semblerait que les idées de la transition énergétique hier utopiques prennent de plus en plus d’écho et remettent en cause un modèle français centralisé sclérosé. Les  pouvoirs publics, très ancrés dans le carcan de l’énergie nucléaire centralisée, font preuve d’une nouvelle volonté d’impliquer le citoyen pour qu’il ne soit plus spectateur mais acteur de sa consommation énergétique. L’Etat va en effet lancer une grande campagne de sensibilisation à la rentrée avec l’ADEME sur les enjeux de la performance énergétique dans l’habitat.

Mais certains acteurs du bâtiment vert ne sont pas des plus optimistes : « beaucoup de discours et peu d’actions » selon Jean-Louis Taieb, Président de Planète Copropriété. D’autre part, certains architectes de la construction durable déplorent le manque de structuration de la filière verte en France qui rend l’eco-construction encore trop onéreuse. « L’absence de concurrence maintient des prix élevés contrairement en Allemagne où le savoir-faire de l’eco-construction s’est démocratisé » ajoute M. Camliti, architecte marseillais. Ils remarquent en outre qu’il y a encore cette mentalité du « ma maison, mon objet » en France contrairement aux pays anglo-saxons où le bâtiment est mieux apprécié pour sa « valeur d’usage » et sa convertibilité.

D’où la réflexion évidente : peut-on généraliser des recettes qui ont marché en Allemagne et les importer en France ? L’organisme certificateur Promotelec, très axé sur la domotique électrique et financé par le fournisseur historique EDF, prend justement le contre-pied du paradigme de la maison peu consommatrice en énergie primaire. Leur retour d’expérience « BBC » avait notamment fustigé l’effet pervers des méthodes de calcul qui ont développé le chauffage à gaz dans l’habitat comme « solution de facilité » sans poser de contrainte sur l’enveloppe. A l’inverse, les maisons chauffées à l’électricité ont dû à cause du taux de conversion en énergie primaire de 2.58 poser des enveloppes très performantes pour ne pas dépasser le Cepmax. Résultat, les maisons chauffées à l’électricité présentent un meilleur bilan carbone (l’énergie nucléaire étant moins carbonnée que la combustion du gaz). « A Promotelec, nous avons une vision beaucoup plus globale que le seul paramètre de la consommation d’énergie primaire » affirme Damien Hasbroucq, directeur de Promotelec, « Quel intérêt de consommer un peu moins si c’est pour produire plus de CO2 ? Il faut aussi réfléchir aux équipements et leur pilotage». Le label Promotelec préfigurant la RT2020 exigera-t-il un bilan carbone sur les 5 usages de la consommation ? Cela signe-t-il un retour possible au chauffage électrique ?

En tout cas, ce qui est sûr, c’est que l’élaboration du « BEPOS » à la française s’annonce déjà passionnante !

N’hésitez pas à faire appel à votre bureau d’étude thermique pour concevoir dès aujourd’hui un bâtiment robuste et sobre en énergie. Il saura vous conseiller sur les meilleures solutions techniques s’offrant à vous pour respecter la RT2012 ou anticiper la généralisation du « BEPOS »