Pascal Camliti est directeur de sa propre agence d’architecture contemporaine à Marseille depuis 1998. Il livre pour Sénova sa vision d’une architecture moderne qui renoue avec la nature et les recettes bioclimatiques de nos aïeux.
Pouvez-vous nous parler en quelques mots de votre parcours d’architecte ?
Niçois d’origine, j’ai commencé par devenir collaborateur d’architecte dans plusieurs agences de la Côte d’Azur pendant mes études de lycée. Dès la fin de mes études d’architecture à Marseille, j’ai ouvert mon propre cabinet d’architecture contemporaine. Issu d’un milieu ouvrier, je voulais me rendre disponible pour beaucoup de personnes. Ma première envie était de partager quelque chose avec les gens, quelque chose de physique qui retranscrit une idée en faisant toujours de la conception sur mesure.
La RT2012 est entrée en vigueur au 1er janvier 2013. Comment a-t-elle impacté votre activité ?
La RT2012 a impacté mon activité de manière assez conséquente. A vrai dire, elle semble avoir entraîné une légère baisse de l’activité due à la réticence des particuliers qui la prennent comme un surcoût et une contrainte supplémentaire. Je pense cependant que c’est une très bonne chose car elle amène à construire de plus en plus de maisons « passives ». Cela va déjà faire 4 ans que nous travaillons sur les maisons BBC dans mon agence sans forcément rechercher le label mais pour optimiser les performances énergétiques de nos maisons et anticiper la nouvelle règlementation.
Mauvaise compréhension des particuliers sur les enjeux de la performance énergétique dans l’habitat ou réelle sur-réglementation ?
Non, pas de sur-réglementation. La RT2005 et RT2012 étaient annoncées et se profilaient déjà depuis longtemps. Le particulier a compris l’enjeu environnemental mais quand on touche au portefeuille et qu’il voit le coût de sa maison augmenter de 10%, c’est là où le bât blesse. En effet, on a remarqué que certaines entreprises – les producteurs de matériaux favorisés par la nouvelle réglementation – ont profité de l’arrivée de la RT2012 pour augmenter leurs prix et donc leurs marges. De même, beaucoup d’entreprises qui n’ont pas reçu de formation sur la RT2012 sont un peu perdus pour chiffrer toute cette évolution de pratiques. On a également beaucoup à faire pour arriver à être plus précis et se coordonner au niveau de la réalisation. Les entreprises exécutantes ne travaillent pas forcément ensemble et parfois veulent juste faire du bénéfice. Elles ne font pas attention au fait que le travail d’un élément peut détériorer le travail des autres… En tout cas, dans la région PACA, ce n’est pas encore entré dans les esprits. Cette désorganisation entraîne un surcoût pour le consommateur.
De plus, certaines communes n’ont pas le réflexe d’exiger simplement les pièces réglementaires. La multitude de cas particuliers engendre une incompréhension des ménages et du coup, certains habitants vivent mal de voir que leurs voisins ne respectent pas la réglementation et ne comprennent pas pourquoi les architectes leur conseillent des conceptions aussi restrictives et réglementaires. Un manque d’informations semble être la base de cette incompréhension. C’est pour cela que nous utilisons le vecteur Internet pour renseigner au mieux les personnes se posant des questions.
La RT2012 désavantage-t-elle la zone H3 (Côte d’Azur et Corse) en exigeant une conception bioclimatique plus performante que les zones continentales et septentrionales ?
Comme je l’ai vu lors de ma formation « bioénergie en conception », mettre de la climatisation (VMC Double FLUX) en zone H3 risque de dégrader les ratios de consommation d’énergie primaire. Effectivement, on peut avoir plus de difficultés notamment avec la TIC qui prend en compte le confort d’été. L’exigence d’1/6 de baies sur la surface habitable peut engendrer de grosses surchauffes l’été et la climatisation parfois nécessaire est très énergivore.
Il existe cependant des solutions qu’utilisaient nos aïeux qui fonctionnent très bien et à remettre au goût du jour comme la ventilation naturelle avec brise soleil et végétaux à feuilles caduques. Il faut trouver le bon compromis dès la conception pour optimiser la performance dans une démarche globale.
Vous avez construit plusieurs maisons en bois à Marseille. Que répondez-vous aux détracteurs de l’usage du bois dans les régions chaudes ?
Quand on met de l’isolant dense, comme la très performante fibre de bois, on a une très bonne inertie thermique. Je n’ai pas eu un seul retour négatif. On peut faire de l’architecture contemporaine à Marseille. De toute façon, on ne changera pas l’avis arrêté des détracteurs, vous savez. Et pourtant, en Europe du Nord et aux Etats-Unis ça marche très bien ! Il y a deux conditions :
- Trouver des professionnels sérieux qui savent travailler le bois
- Trouver les bons compromis avec le maître d’ouvrage et la mairie, parfois un peu réfractaires.
Vous travaillez régulièrement avec Sénova. Comment nous avez-vous connu et comment s’est déroulé cette collaboration ?
J’ai connu Sénova grâce au livre écrit par Dimitri Molle et Pierre-Manuel Patry que j’ai acheté. Ils avaient déjà diffusé des discours sur le site de mon assureur la Mutuelle des Architectes Français avec qui ils travaillent et j’ai trouvé que leurs conseils étaient pertinents et professionnels. J’ai eu un ressenti très différent des autres bureaux d’études thermiques avec qui j’avais déjà travaillé. J’ai contacté Dimitri Molle et on a fait un essai avec un client aujourd’hui très satisfait. Je mettrais un 9/10 ! Sénova a fait preuve de rapidité et d’écoute. Le point qui manque est peut-être le besoin supplémentaire d’accompagnement pour une Nova-Etude
Quels sont les facteurs clés d’une bonne collaboration entre architectes et bureaux d’étude thermique ?
Je pense tout de suite à l’importance de l’échange et de l’interactivité. Comme pour l’exécution, nous devons coopérer les mains dans la main dès la conception du bâtiment. Comme le dit souvent mon confrère Rudy Ricciotti, « sans l’osmose de tous les intervenants, la construction est impossible ». Tout le corps de la construction doit travailler ensemble avec cohérence. Un bon relationnel, pas seulement commercial, est important. Enfin, le coût ne doit pas être exorbitant.
Quel conseil donneriez-vous à un particulier qui se lance dans une nouvelle construction ?
L’environnement du terrain est primordial ! Exposer sa maison au nord va impacter le projet en exigeant une isolation plus performante. Il faut se poser la question de la conception bioclimatique dès la recherche du terrain constructible. On peut trouver des solutions même sous contrainte. Mon agence a déjà réalisé une conception pour une maison individuelle exposée au nord sur flanc de colline, donc avec très peu d’apport solaire, et pourtant on a trouvé des compromis assurant une maison classée A en performance énergétique. Il ne faut pas hésiter à se faire conseiller et accompagner par un architecte et un bureau d’étude thermique qui sauront mesurer le coût et l’incertitude de l’investissement.
Vous utilisez Internet depuis très longtemps pour prospecter de nouveau clients. Pouvez-vous nous en dire deux mots ?
En effet, je suis un féru d’informatique depuis l’âge de 8 ans ! J’ai voulu faire corréler mon côté artistique à mon goût de l’informatique. Il y a souvent une demande du client de connaître vos anciens projets et vos plans avant de faire appel à vous. J’ai souvent entendu : « ce que j’ai vu sur Internet me plaît ». Je me souviens également être allé à Toulouse pour un partenariat. Quand je suis arrivé dans le bureau, mon confrère m’a présenté un panel de projets que son client avait pré-selectionné sur Internet en précisant qu’un projet l’interpellait plus particulièrement et c’était une de mes conceptions. Dès 1998, je disais à mes collègues à l’école qu’Internet serait la plateforme du futur. Ils répondaient que c’était un truc d’informaticiens… Aujourd’hui ce sont les mêmes qui me demandent comment j’arrive à avoir une visibilité aussi importante sur le web ! Je développe par ailleurs un blog où je réponds à des questions génériques pour montrer que les architectes sont là pour conseiller, un peu à la manière d’un médecin généraliste, et que nous ne sommes pas seulement des dessinateurs diplômés.
Quelles sont les perspectives d’avenir de l’habitat groupé ?
Franchement, on n’en est pas encore là. Cela peut marcher si les ménages se connaissent bien mais l’homme demeure un individualiste. C’est un peu l’idée de « Ma maison, c’est mon objet ». C’est avant tout de la représentation avant la logique énergétique. Une meilleure compacité et le regroupement permettrait un gain, c’est sûr, mais je ne suis pas sûr que les Français soient prêts à passer le cap et soient vraiment dans cette logique de partage…
A cela s’ajoute plusieurs contraintes administratives et économiques. En région PACA, on a du soleil, mais on le paie cher au mètre carré ! Il est difficile de trouver un grand terrain constructible disponible, les mairies sont frileuses à accorder le permis de construire et les banques ne veulent pas suivre ce genre de projet. J’ai moi-même essayé pour un habitat pour quatre ménages mais ça n’a pas marché. Pour obtenir un prêt par exemple, il aurait fallu que chacun déclare sa maison en individuel et tout cela devient très compliqué.
Vous retrouverez les réalisations et conseils de Pascal Camliti sur son site Architecte-PACA.com
Propos recueillis par Valentin Martinez
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